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INTRODUCTION

Partout où la danse m’a mené, où mes pieds et mon regard se sont posés sur le monde qui me porte et m’entoure, la seule constante immuable que je retrouve à chaque fois, l’unique lieu permettant, quelles que soient les apparences et grâce justement à la ressemblance, une identification, la rencontre et dans la foulée, la communication, c’est le corps ! Toujours lui, toujours semblable, deux bras, deux jambes, deux yeux et sous toutes les latitudes et longitudes, le nez au milieu de la figure. Le corps est l’unique chose que l’humanité partage à l’identique. Tout le reste est histoire de cultures, d’ensoleillement, de bruits de vagues et de vents dans les branches, d’alternances de famines, d’épidémies, de périodes prospères, d’essais, de ratées, de guerres ou de trêves…

Chaque fois je suis séduit et émerveillé par les façons si diverses que les hommes ont de l’habiller, le parer, le maquiller, le marquer, l’embellir, prendre soin de ses surfaces, le draper, le montrer ou le soustraire aux regards, me sentant selon les endroits et les modes, plus proche et conquis ou réservé. Mais souvent aussi, je suis étonné de constater combien derrière les parures et les discours, cet ami indispensable à toutes pensées, à tous désirs, aux besoins élémentaires comme aux plus nobles élans est un véritable étranger et bien souvent, le premier des étrangers ! Plus proche pourtant de l’homme que son ombre, ce dernier semble ne pas se rendre compte qu’il incarne ce terme avant même d’en faire usage pour nommer l’inconnu qui lui fait face.

Pourquoi sommes-nous si maladroits et incapables de transmettre à nos semblables comme aux générations suivantes les cheminements vivants qui mènent au corps, qui permettent de le rencontrer, de l’intégrer, de s’en faire un complice, de l’épouser pour le meilleur et surtout, de pouvoir l’accompagner afin de traverser le pire lorsqu’il se présente ? Ce serait pourtant beau, toutes coutumes et cultures respectées, d’imaginer transmettre une connaissance et un accompagnement aussi riches et raffinés dans ces épousailles intérieures que ceux que nous perpétuons à travers nos rites et les cérémonies de mariage qui s’offrent au grand jour et à la collectivité.

Mon parcours au quotidien me permet de remarquer combien les difficultés rencontrées par les individus qui fréquentent mes cours relèvent souvent plus d’une méconnaissance de leur corps que des exigences propres à une technique ou un style particulier. De même,  hors du monde professionnel de la danse, je constate en accompagnant des personnes d’âge et de milieu très divers, confrontés à des problèmes physiques douloureux, que bien souvent ceux-ci s’améliorent et se résorbent lorsque les fonctionnements et les mécanismes élémentaires qui régissent le corps en posture verticale et dans la dynamique sont expliqués, transmis et stimulés par une pratique adéquate.

Permettre un mieux-être me passionne et c’est tout cela que j’explore entre mes activités artistiques. C’est à l’origine des recherches que je poursuis et  partage avec des professionnels de la santé, des chercheurs passionnés et des praticiens passionnants ! Comment un cerveau et un corps vivant en milieu naturel font bon ménage et portent à maturité une intelligence musculaire fine, adaptée et intelligente ; comment l’humain amené à évoluer au quotidien dans un environnement facilité et standardisé perd la moitié principale de sa musculature ; quelles répercutions cela peut avoir sur le cerveau ; comment la langue maternelle dans laquelle nous sommes éduqués influence nos comportements mais aussi notre relation au corps et à ses fonctionnements instinctifs premiers. C’est de tout cela que je souhaite petit à petit rendre compte dans les mois qui viennent. La suite au prochain épisode !

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