PORTRAIT OBJECTIF SUIVI DU PORTRAIT SUBJECTIF…

Et néanmoins informatif !

En 1992, Etienne Frey, alors jeune chorégraphe de 30 ans, réussit à réunir par amitié Yvette Chauviré et Rosella Hightower, deux étoiles immenses pour un mémorable "Harold et Maude", moment fort de sa vie parmi 1’000 autres et 30 de ses productions.

Fils de deux comédiens chaux-de-fonniers du TPR, frère de Jérôme Frey comédien lui aussi, Etienne décide d’entrer dans la danse, et apprend la vie à l’école de l’effort. Après une formation complète en Allemagne et à New York, il danse durant 3 ans au Ballet Royal des Flandres puis chez Béjart ou il interprète des solis et participe au Ballet du XXème Siècle.

Il découvre alors "l’usine" de la danse, frustrante, le maître absent, et les assistants serviles et implacables. Tournées sur le globe, un quotidien de saltimbanque exploité, un quotidien torturant, oscillant entre privation et fatigue et illuminations heureuses. Dans les loges, les danseurs clament chaque soir, comme des drogués : "Demain…j’arrête… ". Mais Etienne Frey le fait vraiment et cesse un jour d’être un jouet, une marionnette pour génie et devient un acteur du monde de la danse.

Il crée avec des amis SINOPIA, une compagnie à son image : engagée, ne rejetant le classique que pour mieux le réécrire et créer intensivement. Très vite des prix couronnent son travail… mais la ville de la Chaux-de-Fonds ferme trop tôt le robinet des subventions. Etienne Frey et Sinopia quittent la Chaux-de-Fonds pour Genève. Il y crée une nouvelle chorégraphie de la Bayadère pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève qui sera unanimement encensée. Associés à des causes humanitaires dès 1995 pour le CICR, Sinopia et Etienne Frey engagent le langage de la danse dans la problématique de la souffrance de notre temps. C’est dès lors le combat en mouvement, sans les mots qui polluent le discours, c’est le silence imagé des réflexions de l’âme et de la conscience. Ils sont les premiers associés du monde de la danse à un programme de sensibilisation de l’ONU avec "Face to Face".

Etienne Frey est le Don Quichotte moderne, réaliste, vainqueur des moulins à vent, et le Zorba généreux et amoureux de la vie qu’il campa dans sa propre chorégraphie…Non…cet homme de près de 40 ans n’est pas un ange : il fume, il fulmine, il jure et parle cru…Ses causes l’exigent : il ne sait pas retenir ses mots. Il est tout à la fois, énergie, excès, violence, lumière et ombre… et le tableau n’est ni complet… ni achevé…

Etienne Frey bonsoir…

 

Daniel FAZAN

RSR La Première
"Amis – Amis", le 25 février 2001